Du zarbi en Zambie
Septembre 2008. Quelque part en Zambie, une jeune femme de 36 ans, guide de safari, tombe malade : 38°C, mal à la tête, vomissements. Au bout de 8 jours, la jeune femme va à l’hôpital car sa « grippe intestinale » n’est toujours pas guérie.
Vendredi 12 septembre 2008. Aggravation. Transfert dans une clinique de Johannesburg (Afrique du Sud).
Dimanche 14 septembre 2008. Mort de la jeune femme.
Vendredi 19 septembre 2008. Un infirmier travaillant dans une société de rapatriement sanitaire basée à Luzaka (Zambie) se sent grippé.
Samedi 20 septembre 2008. Une infirmière travaillant en réanimation dans la clinique de Jo’burg* est grippée.
Samedi 27 septembre 2008. L’infirmier est hospitalisé à Jo’burg dans la même clinique que la guide de safari, dans le même état inquiétant. Les médecins s’aperçoivent que c’est cet infirmier qui a accompagné la guide de safari pendant son transfert de Zambie à Jo’burg. Ils en déduisent qu’il s’agit d’une maladie transmissible d’un humain à l’autre, avec un délai de 7 jours environ entre le contact avec un malade contagieux et le début des symptômes. La durée d’incubation et l’allure de l’infection leur suggèrent qu’il s’agit d’une cause virale. En étudiant soigneusement la façon dont l’infirmier et l’infirmière ont pu être contaminés par la guide de safari, ils concluent que le virus se transmet par voie aérienne, quand on est très proche du malade contagieux.
Mardi 30 septembre 2008. L’infirmier va mieux.
Mercredi 1er octobre 2008. L’infirmière doit être hospitalisée.
Jeudi 2 octobre 2008. Coma puis décès de l’infirmier.
Dimanche 5 octobre 2008. Coma puis décès de l’infirmière.
Branle-bas de combat : une centaine de personnes (personnel soignant, familles) ayant été en contact avec ces 3 malades sont mis sous surveillance. Les laboratoires de virologie spécialisée de Jo’Burg sont sur les dents. Des prélèvements de sang sont envoyés au Center for Disease Control d’Atlanta (USA)**. Toutes sortes de virus inquiétants sont hautement suspects : Ebola, Fièvre Hémorragique Crimée-Congo, Marbourg, Lassa, Hantavirus,
Fièvre de la Vallée du Rift. Ou si c’était le début d’une pandémie de grippe aussi dramatique que celle de grippe espagnole de 1918 ?
Le Ministère de la Santé d’Afrique du Sud lance une alerte générale. Deux équipes de virologues analysent les prélèvements : l’une est basée à Jo’Burg, dans l’unité des pathogènes spéciaux, au sein du National Institute for Communicable Diseases (NICD), installé dans le vaste campus du National Health Laboratory Service ; les équipes du NICD sont mondialement connues pour leur efficacité en virologie, notamment dans le domaine du Sida, de la grippe et des virus circulant dans le sud de l’Afrique. L’autre est animée par les experts US des pathogènes spéciaux et des maladies infectieuses au CDC d’Atlanta, qui a inspiré les scénaristes des films et des séries TV exploitant le thème « morts en série à cause d’un terrible virus qui va ravager l’humanité si les héros n’y mettent pas fin rapidement ».
Lundi 13 octobre 2008. Mise en ligne des premiers résultats des analyses virologiques sur le site de l’Organisation Mondiale de la Santé à Genève (http://www.who.int/csr/don/2008_10_13/en/index.html). Titre à la une du site de l’OMS : « New virus cause of 3 deaths in South Africa, Zambia ». L’agent infectieux mortel est probablement un virus inconnu jusque-là, appartenant à la famille des arenavirus.
En microscopie électronique, les virus de cette famille contiennent des toutes petites particules qui ressemblent à du sable, d’où leur nom (sable se dit « arena » en grec). Le premier de ces virus a été découvert en 1933 chez un homme atteint de méningite. D’autres virus de la même famille ont été ensuite identifiés à partir de 1960. En général, ce sont des virus animaux infectant les rongeurs. Les humains ne sont que rarement infectés. Des cas humains d’infection par un arenavirus ont été observés en Europe, en Amérique (notamment en Argentine, au Brésil, en Bolivie et au Vénézuela), en Afrique de l’Ouest et au Bénin. La mortalité humaine varie de 1% à 30% selon les virus.
Mercredi 15 octobre 2008. L’histoire n’est pas terminée. Le NICD et le CDC examinent le nouveau virus sous toutes ses coutures. Pendant ce temps, un nouveau cas a été découvert en Afrique du Sud chez une autre infirmière qui vient d’être hospitalisée. (à suivre)
* Jo’Burg : surnom de Johannesburg ** Center for Disease Control d’Atlanta (CDC) : centre militaire US de surveillance des maladies base à Atlanta
Carte EpidMétéo de la semaine
pas de dico