Numéro 2014_39

Plus on en apprend, moins on en sait !

Les médecins doivent prodiguer leurs soins en tenant compte de toutes les connaissances disponibles. L’activité scientifique est devenue si intense que les revues scientifiques publient plus de 600.000 nouveaux articles par an. Pour rester au fait de toutes les connaissances dans un domaine donné, il faut en restreindre la taille.
Cette explosion de connaissances nouvelles a une conséquence majeure sur l’organisation des soins : la prolifération des « hyperspécialistes ». En chirurgie, par exemple, les praticiens doivent se spécialiser dans un petit nombre d’interventions limitées à un organe précis : chirurgie de la main, neurochirurgie des tumeurs cérébrales, etc.
Ce phénomène ne se limite pas aux médecins, il touche aussi tous les auxiliaires médicaux.
Le nombre des spécialités augmentant rapidement, la coordination des soins est indispensable, mais elle devient de plus en plus délicate. Sans coordination, les erreurs de parcours s’accumulent et coûtent cher au patient (retard au diagnostic et au traitement, reste à charge important) et aux autres assurés (ils financent des dépenses de soins inutiles).
Pour coordonner des soins hyperspécialisés, il faut des experts capables à la fois de comprendre ce que font chacun des hyperspécialistes et de donner au patient toute l’information dont il a besoin pour accéder sans perdre de temps et à bon escient au bon circuit de soins. Ce rôle ne peut être rempli que par deux sortes d’intervenants :
- les médecins généralistes disposant d’une équipe technique,
- les organismes qui gèrent le financement des soins.
Aux Etats-Unis, des caisses d’assurance-maladie privées, les « HMO », organisent des circuits de soins pour garantir à leurs cotisants un niveau de soins de qualité définie par contrats. En Angleterre, ce sont les médecins généralistes (MG) qui gèrent l’intégralité des dépenses de soins des patients inscrits sur leur liste : ils reçoivent un montant forfaitaire annuel pour chaque patient inscrit ; en contrepartie, ils payent toutes ses dépenses de soins (hôpital, médicaments, analyses biologiques, soins infirmiers, kinésithérapie, etc.). Il a donc intérêt à gérer au mieux ces dépenses : s’il dépense trop, il gagne moins ; s’il dépense trop peu ou mal, le patient le quitte et va s’inscrire ailleurs.
Quels que soient le pays et la nature du coordinateur des soins (HMO ou MG), il a absolument besoin de suivre en permanence l’évolution des connaissances. Organiser l’accès permanent des MG, de l’assurance-maladie et des mutuelles au savoir scientifique est devenu le problème central de l’organisation des soins et de la gestion des dépenses de santé.

Source : J. de Kervasdoué. L’hôpital, hier, aujourd’hui, demain. Matinales MFPS-MNH, Paris, 24 septembre 2014,

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