Numéro 2018_44

Manger bio protège-t-il du cancer ?

Fin octobre, les media ont repris en boucle un message simple à comprendre : « manger bio réduit de 25% le risque de cancer ». Cette façon de résumer le résultat d’une étude publiée dans le Journal of American Medical Association (JAMA) fait le bonheur des agences de communication travaillant pour les vendeurs de produits bio. Les épidémiologistes critiquent vivement cette façon de détourner un résultat :
1. Qui sont les plus gros consommateurs de produits bio ? Les personnes aisées et éduquées, c’est-à-dire celles qui profitent le mieux des programmes de prévention, qui arrêtent de fumer et qui sont les moins exposées aux cancérigènes professionnels. Qu’elles aient moins de cancer n’aurait rien d’étonnant et probablement rien à voir avec l’alimentation bio.
2. Que signifie « manger bio » ? Une alimentation exclusivement bio depuis 20 ans ? Depuis l’année dernière ? L’achat occasionnel de produits bio ? Quantifier avec précision un mode alimentaire pour le relier à un risque de cancer est très compliqué et l’étude publiée a utilisé une méthode de quantification déclarative rustique pour évaluer la part du bio dans l’alimentation.
3. Le niveau de réduction « 25% » est spectaculaire mais il est trompeur. Les cancers favorisés par l’alimentation ne représentent que 9% des causes de cancers et, dans ce chiffre, l’alcool pèse très lourd. Dans l’étude publiée, l’écart entre consommateurs bio et non bio ne porte que sur 0,6% des cancers. Si manger bio avait un effet anti-cancer, il éviterait moins de 1% des cancers. A titre de comparaison, le vaccin anti-HPV est autrement plus efficace : il évite plus de 70% des cancers du col utérin.

En pratique :
- Il n’est pas démontré que manger bio diminue le risque de cancer.
- Pour éviter les pesticides, la méthode la plus efficace consiste à rincer à l’eau froide les légumes et les fruits (bio ou non) avant de les consommer. A noter : le label bio autorise l’usage des pesticides à dose moindre.

Sources : Open Rome et Baudry J et al. Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study. JAMA Intern Med. Published online October 22, 2018. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4357

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