Numéro 2019_02

Chercheur : un métier bien compliqué !

« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve mais des chercheurs qui trouvent, j’en cherche. » Cet aphorisme popularisé par Coluche est en partie inexact : la plupart des chercheurs obtiennent des résultats. Leur problème majeur est de les interpréter, d’en comprendre l’intérêt potentiel, de les montrer à leurs collègues, puis d’obtenir le soutien de financeurs.
Beaucoup de découvertes ont été faites plusieurs fois avant d’être enfin exploitées comme il le fallait.
Un exemple célèbre est celui de la découverte de la pénicilline : En 1897, le Pr Emile Roux, bactériologiste et directeur de thèse d’Ernest Duchesne, un jeune médecin militaire, demanda à son étudiant de s’intéresser au conflit qui semblait exister entre un microbe (Escherichia coli) et une moisissure très banale (penicillium glaucum). Duchesne constata que, chaque fois que la moisissure était en compétition avec le microbe, c’était elle qui s’imposait. Il eut ensuite l’idée de traiter des cobayes avec le penicillium puis de leur injecter des doses mortelles de bacille de la typhoïde. Les animaux traités survivaient alors que ceux qui ne l’étaient pas mourraient. Il en conclut qu’il serait intéressant de mieux étudier les vertus du penicillium, espérant en tirer des applications à « l’hygiène prophylactique et à la thérapeutique ». Sa thèse, soutenue le 17 décembre 1897, obtint tous les honneurs (20/20, félicitations du jury, etc.) et circula dans les grandes équipes françaises de recherche de l’époque (Institut Pasteur, Val-de-Grâce, Académie de médecine, etc.). Personne ne s’en empara !
La tuberculose tua prématurément Ernest Duchesne en 1912, à l’âge de 37 ans, sans qu’il ait pu explorer la piste qu’il avait trouvée. Il fallut attendre 1947 pour qu’un microbiologiste écossais, Alexander Fleming, dirigé par un ingénieur agronome français, René Dubos, découvre la pénicilline dans un institut de recherche américain (Fondation Rockefeller). Si elle avait été trouvée avant les deux guerres mondiales, elle aurait probablement sauvé la vie de millions de soldats blessés.

Sources : Boorstin D. Les découvreurs. Robert Laffont ed. Fabiani JN. Ernest Duchesne, ses patrons et la pénicilline. Ordre des médecins, 2018

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